Réflexion : Travailler pour consommer

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Depuis notre enfance, nous savons que nous devons gagner de l’argent pour vivre, c’est-à-dire consommer et payer les factures qui découlent de cette consommation, choisie par nous ou obligatoire. Mais est-ce qu’on doit consommer autant qu’on le fait ?

D’où vient cette habitude de consommer au point de dépenser tout ce qu’on gagne, et plus ?

Pourquoi est-ce que nous avons ce problème alors qu’il n’existait pas dans les années 1900?

La réponse est fascinante, et je trouve, particulièrement éclairante.

Au 20e siècle, pendant la phase de développement de l’ère industrielle moderne, les employés ont commencé à demander de meilleurs salaires pour améliorer leurs conditions de vie, et un de leurs argument a été : si je gagne plus, je vais pouvoir dépenser plus, donc faire gagner plus aux employeurs des usines qui produisent ce que je consomme.

Et bingo! Le message a été non seulement entendu, mais les conditions de vie se sont adaptées avec ces hausses de salaires et le crédit est devenu de plus en plus accessible pour les travailleurs même avec des revenus moyens à modestes.

Ajoutez à cette recette le message américain d’après la deuxième guerre mondiale que consommer était patriotique car l’argent dépensé permettait aux industries nationales d’être fortes et influentes sur le plan international, puis bouclez le tout avec l’avènement des cartes de crédit générales accessibles à tous, et le résultat ne pouvait être qu’une société de consommation accrue.

Toutefois, une conséquence inattendue par les travailleurs, qui voulaient seulement avoir accès à plus de biens de consommation, est que l’appât du gain des industries a rapidement affecté les nouvelles règles du jeu car, une fois qu’un produit était acheté, ou un service consommé, il fallait, en fait, trouver une façon d’en faire acheter d’autres pour continuer à faire de l’argent.

Hors, jusque-là, les gens, encore marqués par la Grande récession des années 30, et les années de limitation de la guerre, récupéraient, utilisaient aussi longtemps que possible, réparaient et se contentaient de ce qu’ils avaient, limitant autant que possible les nouveaux achats à l’essentiel et ce qui devait être renouvelé périodiquement (ex. : papier de toilette, nourriture, etc.).

Comment ces bonnes habitudes sont-elles disparues ?

Grâce aux génies du marketing qui ont réussi à identifier les émotions et/ou raisons qui poussaient les gens à consommer/consommer plus, et ils ont développé des moyens pour générer ces émotions et/ou raisons chez le public :

  • L’envie (le désir d’avoir ce que l’autre a)
  • Le désir (avoir plus (d’option, écran plus grand, plus qu’un, etc.), avoir tout, maintenant, pourquoi attendre?
  • Le prestige/la fierté (avoir ce que personne n’a/être le premier à avoir…)
  • La peur (pouvoir consommer = temps de paix, donc en consommant, je me rassure que nous ne risquons rien dans le présent)
  • La culpabilité (Je dois payer X à telle personne, ma famille, parce que si je n’ai pas ça, je suis un raté, pas correct, etc.)
  • Faire comme les autres (suivre la mode, acheter ce dont tout le monde parle, etc.)
  • Recevoir l’approbation des autres (achat intelligent, beau/luxueux, destination de voyage, vous ne passerez pas inaperçu avec…, etc.)

Il ne manquait plus qu’un excellent moyen de diffusion, ce que la radio était jusqu’à ce que la télévision fasse son chemin vers TOUS LES foyers de l’Amérique du Nord et de l’Europe, puis du reste du monde. Tout à coup, la publicité, qui était diffusée à raison de 100/heure à la radio, trouve non seulement un nouveau terrain de diffusion, mais elle peut en plus compter sur des images qui bougent pour montrer tout ce qui devait être dit avant en mots ou résumé en une image fixe.

Le travailleur, de plus en plus surmené et épuisé lorsqu’il arrive à la maison après des journées de travail de plus en plus longue pour rencontrer toutes ses obligations financières, est à son point le plus vulnérable lorsqu’il est exposé à ce barrage de manipulations émotionnelles et psychologiques, et voilà!

Mission accomplie!

Le problème de surconsommation est tel que de plus en plus de ménages nord-américains ont des dettes au point de ne pas être en mesure d’épargner, pas même pour leur retraite, et donc doivent continuer/retourner au travail après l’âge de 65 ans.

Pire, les génies de la publicité continuent de s’adapter à l’évolution des média et développent constamment de nouveaux moyens de vendre leurs produits et services, même subtilement à travers la nouvelle forme de publications publicitaires : les blogueurs/influenceurs de Facebook, Instagram, Youtube et autres plateformes populaires du moment.

Au moins, ces derniers doivent maintenant informer leurs lecteurs/audience lorsqu’ils reçoivent un montant pour parler d’un produit ou d’un service sur leur blogue, mais le format demeure toutefois nouveau et beaucoup plus subtil que celui auquel nous sommes habitués.

Il y a aussi les métadonnées que nous laissons derrière nous en utilisant le web et les réseaux sociaux qui permettent aux applications utilisées de nous soumettre à de la publicité non seulement omniprésente, mais également ciblée selon notre profil de consommateur obtenu à notre insu… ou presque.

Faisons-nous le poids face à ces géants qui ont percé tous nos secrets psychologiques et émotionnels pour mieux nous exploiter ?

Oui! Tout à fait! Et assez facilement en plus!

Le truc, c’est de s’informer sur leurs techniques, comme ce que vous faites en ce moment, et de les identifier quand :

  • On est exposé à une publicité qui nous intéresse (ils ne m’auront pas cette fois!)
  • On est tenté de faire un achat/obtenir un service à cause des commentaires des autres autour de nous (le nouveau téléphone dernier cri, le linge en vente chez… la nouvelle voiture qui me tente tant mais dont je n’ai pas les moyens, etc.)
  • On voit un nouveau produit en magasin entouré de publicité (nouveau besoin créé par les bonzes du marketing? Ou en ai-je vraiment besoin depuis des années et enfin, ils répondent à ce besoin ?)

Autre truc infaillible : réduire sa consommation de publicité

  • Si vous êtes encore abonnés à la télévision par câble/satellite, utilisez un enregistreur numérique pour sauter les annonces lors de votre écoute en différé, et n’écoutez plus la télévision en direct, ou le moins possible. En ayant toujours du contenu enregistré d’avance, c’est très facile de changer cette habitude. (négociez avec votre fournisseur pour l’obtenir gratuitement pendant 24 mois si…)
  • Louer les séries et films à la bibliothèque pour les regarder sans annonces et gratuitement (même l’écoute sur le web s’accompagne de publicité qu’on ne peut sauter…)
  • Arrêter de lire des magazines de mode, de style de vie, de loisirs, etc., ou lire des articles seulement sur l’internet. Vous ne paierez pas pour eux, et il y a moins de publicité pour l’article qui vous intéresse. En plus, une fois la publicité ciblée maîtrisée vs nos envies de consommer, on n’est plus aussi vulnérable à son influence sur internet
  • Désabonnez-vous des infolettres des magasins et marques. Quel bel outil de publicité direct au levez du matin… à chaque jour parfois (Ex.: La Baie a des ventes internet à tous les jours! Comment résister à part de se désabonner?..)
  • Remplacer l’écoute de la radio avec annonces (et chansons à répétition) par des pistes de lectures de vos chansons préférées, ou un autre service à la maison (mais jamais sur les données cellulaires, car ces dernières coûtent une fortune)…
  • Limiter votre écoute de l’actualité à l’essentiel afin de ne pas être affecté par leurs tentatives de maintenir un climat de peur latente (ex. : pour ma part, je prends le métro, donc je surveille les grands titres sur les journaux du jour et à l’écran du statut du métro, et c’est généralement suffisant. Si une nouvelle m’intéresse, je vais rechercher plus d’information sur le web. Une fois par semaine, je lis des nouvelles financières, et c’est tout. En huit ans de ce régime minceur d’actualités, je n’ai jamais manqué une nouvelle importante. Pour les autres, je proposerais de seulement lire les gros titres d’une page internet de La Presse, ou La Presse+, mais sans ouvrir d’article, ou l’édition du jour.)
  • Développez d’autres loisirs que d’aller flâner/fureter au magasin (ex. : lire des livres de la bibliothèque, pratiquer un sport peu coûteux, cuisiner le plus maison possible, trouver une cause pour du bénévolat, jouer à un jeu de société avec les enfants, remettre à neuf un meuble de la maison plutôt que d’acheter un nouveau, apprendre à coudre, écrire, apprendre sur un sujet (ex. : les finances personnelles), etc.). Moins on utilise les médias, moins on voit de publicités/heure dans une journée.

 

Alors? Êtes-vous prêts à résister à tous les appâts et pièges que nous tendent tout le monde pour prendre notre argent plutôt que de nous laisser épargner tranquille ?

Bravo!

On est capable d’être notre seule et vraie raison pourquoi on consomme : parce qu’on en a vraiment besoin, ou parce qu’on a choisi de se gâter un peu.  C’est tout. Point final.

Viva la Résistance!!!!